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Centre de Recherche et d'Etudes pour l'Art Préhistorique Emile Cartailhac

   

 

ART PALEOLITHIQUE D'EUROPE OCCIDENTALE


     Nos travaux sur l'art paléolithique européen ont pour fil conducteur l'hypothèse que les systèmes graphiques et symboliques jouent un rôle essentiel dans la structuration des relations sociales et dans l'établissement des réseaux d'échanges. C'est en nous attachant à préciser leur extension, leur diffusion, d'éventuels emprunts que nous tentons d'établir une véritable géographie humaine. Deux thèmes principaux ont été abordés au cours des dernières années, l'un concernant les plus anciennes manifestations graphiques attribuées à l'Homme anatomiquement moderne et l'autre, plus diachronique, s'intéressant à définir des aires culturelles en Europe entre 35000 et 10000 BP.


Emergence et expressions symboliques au Paléolithique supérieur ancien

     La maîtrise d'un système de communication graphique venant s'ajouter au langage a dû avoir sur les premières sociétés de chasseurs-collecteurs qui en ont disposé un impact considérable, en matière d'organisation sociale, de stratégies d'acquisition des ressources et de perception du monde. Nous nous sommes attachés à évaluer cette hypothèse dans le cadre d'un projet intitulé « Emergence et fonction des systèmes sémiologiques dans les groupes humains du Paléolithique supérieur » qui fut retenu dans le cadre de l'appel d'offres portant sur l'« Origine de l'Homme, du Langage et des Langues » (OHLL) mis en place par le CNRS en 2000. Nous avons principalement orienté notre recherche sur les plus anciennes manifestations graphiques, pariétales et mobilières attribuées à la période aurignacienne, entre 35000 et 30000 BP. Dès ces premières manifestations, on observe des traits communs sur des distances considérables, mais aussi l'apparition de caractères régionaux spécifiques correspondant sans doute déjà à des territoires circonscrits (Fritz et Tosello 2004, 2005 ; Sauvet et al. 2007). Ce sujet a été également abordé par S. Petrognani (thèse Université de Paris-I-Sorbonne) avec notre collaboration. Ce schéma récurrent fait d'un amalgame de traits partagés et de traits originaux peut être observé tout au long du Paléolithique supérieur et nous a amené à nous intéresser à la notion d'aires culturelles.











Représentations aurignaciennes dans l'art pariétal et mobilier. Mammouths «emboîtés» : A) Le Bouil-Bleu (Charente-Maritime) ; B) Chauvet (Ardèche). Rhinocéros : C) L'Aldène (Hérault) ; D) Chauvet (Ardèche).

Aires culturelles et géographie humaine

     Il semble que les relations inter-groupes à l'échelle de vastes régions comme l'Aquitaine, les Pyrénées ou les Cantabres aient été très fluctuantes au fil du temps. En ce qui concerne les manifestations graphiques, on observe parfois des convergences techno-stylistiques et thématiques si fortes qu'on est amené à envisager des contacts directs en dépit des distances considérables entre les sites, mais de telles analogies, considérées superficiellement, peuvent être trompeuses. L'identification de groupes culturels doit s'appuyer sur une analyse serrée du style et des techniques, et mettre en regard d'autres productions comme les objets de parure, les armes et les outils. Certains caractères techniques ou formels ont une expansion territoriale limitée, tandis que d'autres connaissent une très large diffusion. A l'intérieur d'une région donnée, on discerne parfois de subtiles variations d'une vallée à l'autre. Tous ces éléments sont porteurs d'information sur les contacts et influences entre les groupes à différentes échelles géographiques, et sur l'évolution de leurs relations au cours du temps (Fortea et al. 2007, Fritz et al. 2007). La thèse de R. Bourrillon (Université de Toulouse-Le Mirail) sur les représentations humaines met également en évidence ces réseaux d'échange fluctuants. Les recherches en cours dans la grotte de Marsoulas (Haute-Garonne) témoignent, à la fois dans l'industrie osseuse et dans le domaine artistique, que le piémont pyrénéen a subi, autour de 15000 BP, des influences du Nord de l'Aquitaine et de la région cantabrique (Fritz et Tosello 2005).













Rapprochements dans les domaines matériel et artistique. A Marsoulas (Hte-Garonne), ont été trouvées des sagaies de type Lussac-Angles (Vienne) et une biche striée de type cantabrique.

     Entre 20000 et 16000 BP, nos analyses montrent par exemple que la région cantabrique a développé une profonde originalité pendant le Solutréen et le début du Magdalénien, tandis qu'au cours du Magdalénien moyen, une forte convergence avec les Pyrénées et le Périgord est observée, à tel point que la culture semble unifiée sur cet immense territoire. Vers 10000 BP, à la fin du Tardiglaciaire, les derniers groupes magdaléniens montrent à nouveau des signes de diversification régionale et d'évolution divergente (Sauvet et al. 2008). La base de données ARIANE qui permet de visualiser rapidement une multitude de documents graphiques est un auxiliaire précieux dans cette recherche.


Voir le film de Marc Azéma et Gilles Tosello : « Un imaginaire qui voyage »,
réalisé par Passé Simple et produit par le Conseil Général de l'Ariège et le Parc de la Préhistoire de Tarascon-sur-Ariège.

Bibliographie

    Fortea Perez J., Fritz C., Garcia M., Sanchidrián Tortí J.L., Sauvet G., Tosello G. (2004). L'art pariétal paléolithique à l'épreuve du style et du carbone-14. In La spiritualité (colloque commission VIII UISPP, Liège, décembre 2003) (M. Otte éd.), ERAUL 106, p. 163-175. (pdf)

    Fritz C., Tosello G. (2004). Grotte Chauvet-Pont-d'Arc : approche structurelle et comparative du Panneau des Chevaux. In M. Lejeune et A.-C. Welté (dir.) «L'Art du Paléolithique supérieur », ERAUL, 107, p. 69-86, Liège.

    Fritz C., Tosello G. (2005). Les dessins noirs de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc : essai sur leur originalité dans le site et leur place dans l'art aurignacien. Bulletin de la Société préhistorique Française, 102, p. 159-171.

    Fritz C., Tosello G. (2005). Entre Périgord et Cantabres : les Magdaléniens de Marsoulas. In J. Jaubert et M. Barbaza (eds) Territoires, déplacements, mobilité, échanges durant la préhistoire (126ème congrès du CTHS, Toulouse, 2001), p. 311-327.

    Fritz C., Tosello G., Sauvet G., (2007). Groupes ethniques, territoires, échanges : la « notion de frontière » dans l'art magdalénien. In N. Cazals, J. Gonzalez Urquijo et X. Terradas (coord.) Frontières naturelles et frontières culturelles dans les Pyrénées préhistoriques. Univ de de Cantabrie: Santander, p. 165-181.

    Sauvet G., Fortea Perez J., Fritz C., Tosello G. (2008). Crónica de los intercambios entre los grupos humanos paleolíticos. La contribución del arte para el periodo 20000-12000 BP. Zephyrus, LXI, p. 33-56. (pdf)

    Sauvet G., Fritz C., Tosello G. (2007). L'art aurignacien: émergence, développement, diversification. In N. Cazals, J. Gonzalez Urquijo et X. Terradas (coord.) Frontières naturelles et frontières culturelles dans les Pyrénées préhistoriques. Univ de de Cantabrie: Santander, p. 319-338.

    Sauvet G., Fritz C., Tosello, G. (2008). Emergence, et expansion de l'art aurignacien. Préhistoire, Art et Sociétés, LXIII, p. 33-46.


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