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Centre de Recherche et d'Etudes pour l'Art Préhistorique Emile Cartailhac

 

LE FAC-SIMILÉ DU GRAND PANNEAU PEINT DE MARSOULAS

quand l'art quitte la caverne pour rencontrer le public...

     Lascaux ou Altamira n'ont cessé de nous le rappeler depuis des années : l'art des cavernes est fragile et, entre autres menaces, il ne supporte pas que des visiteurs trop nombreux viennent sur place apprécier ses fresques, conçues par et pour un petit nombre d'initiés préhistoriques.

     Depuis l'ouverture de Lascaux II en 1983, puis celle du centre d'Altamira en 2003 et leurs succès respectifs, nous savons que le fac-similé est un moyen de répondre à la curiosité du grand public, une médiation pour protéger les grottes ornées tout en révélant leurs chefs-d'œuvre à tous de manière sensible, sans filtre technologique.

     C'est dans cet esprit que nous avons pris la décision de réaliser un fac-similé du Grand Panneau Peint de Marsoulas, œuvre majeure et méconnue de l'art paléolithique des Pyrénées (cf. Marsoulas). Grâce au soutien de la DRAC Midi-Pyrénées, au financement et à la confiance du Conseil Général de l'Ariège, l'espoir de réaliser ce fac-similé est devenue une réalité en 2008-2009.

     L'opération a demandé la collaboration de spécialistes dans divers domaines (voir générique de l'exposition).

     Tout a commencé par une mission de scanner 3D du panneau original (fig. 1), menée dans la grotte (cabinet de géomètres experts Perazio). Cette numérisation des surfaces rocheuses a permis un enregistrement très précis des reliefs (fig. 2) qui a ensuite autorisé leur reproduction très fidèle. Une technique de fraisage numérique sur mousse de polystyrène à haute densité (Creaform) a produit une première approche des surfaces. Dans ce but, la paroi a été découpée en blocs, qui furent ensuite assemblés en atelier, car il faut se rappeler les dimensions imposantes du panneau (plus de 7 m de long et 3 m de haut).

Fig. 1 : nuages de points résultant du scan 3D de la paroi (G. Perazio).

Fig. 2 : nuages de points texturés permettant de visualiser la paroi du Grand Panneau en 3D (G. Perazio).

     Après un moulage, suivi d'un tirage en matériaux synthétiques, a commencé une longue et méticuleuse opération de modelage fin des surfaces (Atelier Dalis : http://www.hominides.com/html/references/atelier-alain-dalis-prehistoire-0183.php), d'autant plus complexe qu'il s'agissait de restituer la paroi dans son apparence « originale », du moins celle que l'on pouvait raisonnablement imaginer. En effet, depuis 15 000 ans, des morceaux de roche se sont détachés, des formations de calcite se sont développées, masquant les peintures et gravures (fig. 3a et 3b). Or, l'étude du panneau (C. Fritz et G. Tosello) a permis de proposer une restauration de la fresque originale, dans son état final, c'est-à-dire au moment où les artistes préhistoriques quittèrent la grotte.

  
Fig.3 : sur le fac-similé, on a fait le choix de restaurer les destructions et d'éliminer les plaques de calcite qui brouillent la perception actuelle des fresques (C. Fritz). 3a : un état de paroi à Marsoulas. 3b : la même surface en cours de reproduction sur le fac-similé.

     Les mortiers utilisés sur le fac-similé ont été patiemment testés et élaborés pour reproduire au mieux le grain et la texture du calcaire de la grotte. Le modelage, exécuté par des sculpteurs et basé sur une documentation photo, s'est déroulé avec un contrôle permanent des chercheurs (figs. 4 et 5).

Fig. 4 : après le fraisage numérique des volumes, modelage de la paroi en atelier (Atelier Dalis).

Fig. 5 : le modelage de la paroi est terminé (Atelier Dalis - G. Tosello).

     Après une mise en teinte de la roche (fig. 6), a commencé le travail de réalisation des animaux et des signes (G. Tosello aidé de S. Pétrognani), en comblant les lacunes, en rétablissant le contraste des couleurs d'origine et la fraîcheur des gravures (figs. 7, 8 et 9) ; de perception délicate aujourd'hui, elles se lisent aussi facilement que les Magdaléniens les ont vues après les avoir incisées sur le calcaire.

Fig. 6 : mise en teinte de la roche. Vision de la paroi avant le premier dessin (G. Tosello).		Fig. 7a : les peintures et gravures furent recréées à partir des données de l'étude menée dans la grotte, notamment les relevés (cl. Ch. Archambeau).
Fig. 7b : cl. Ch. Archambeau.		Fig. 7c : cl. Ch. Archambeau.
Fig. 8 : la partie centrale du fac similé terminée (G. Tosello).		Fig. 9 : détail des signes violets et des gravures du registre inférieur gauche (C. Fritz).

     Pour les chercheurs, l'opération de fac-similé a permis aussi de « remonter le temps », en visualisant la paroi vierge de toute figure (fig. 6) ou en décomposant les états successifs de certaines œuvres comme le Bison ponctué (fig. 10, 11 et 12).

     Les fresques achevées, le fac-similé a été de nouveau segmenté en 6 morceaux (fig. 13 et 14), pour être transporté du Périgord en Ariège, où il fut remonté pour être présenté au public (fig. 15, 16 et 17).

Fig. 10 : en remontant le temps, le Bison ponctué... la première phase de gravures (C. Fritz).

Fig. 11 : en remontant le temps, le Bison ponctué... la peinture noire et les premiers points rouges (C. Fritz).

Fig. 12 : en remontant le temps, le Bison ponctué... détail de la tête (C. Fritz).

Fig. 13 : le début de la phase délicate du démontage du panneau dans l'atelier d'Alain Dalis (G. Tosello).

Fig. 14 : le démontage s'achève (G. Tosello).		Fig. 15 : chargement des différents morceaux pour le transport (G. Tosello).
Fig. 16 : le début de l'autre phase délicate, celle du remontage du fac similé dans l'espace d'exposition (G. Tosello).		Fig. 17 : le fac-similé de Marsoulas, premiers contacts avec le public en mai 2009 (G. Tosello).

Ce travail de longue haleine a fait l'objet d'un archivage video (M. Azéma) pour garder la mémoire des principales étapes et les moments-clés de l'aventure. Gilles Tosello et Carole Fritz